Contactée depuis à plusieurs reprises par l'initiative EUCD.INFO qui suit ce dossier depuis plus de deux ans, [3] et bien que la décision ait été prise le 24 mars dernier, la CNIL refuse toujours de la communiquer, retardant d'autant ceux qui voudraient l'étudier pour le cas échéant la contester.[4]

L'initiative EUCD.INFO estime qu'un tel comportement est inacceptable. Il est à l'opposé de la transparence que l'on peut légitimement attendre de la CNIL au regard de sa mission. Il empêche le débat public et d'éventuels recours, et, en période référendaire, conduit à toutes sortes d'interrogations.


Par peur d'alimenter le vote sanction, la CNIL craindrait-elle que les internautes français s'aperçoivent que - depuis le détricotage de la loi Informatique et Libertés orchestré l'été dernier par deux parlementaires membres de la CNIL, l'argument " légitime défense de droits voisins du droit d'auteur " permet à des multinationales comme Microsoft et Vivendi Universal de former des milices ? [5]

Ou prendrait-on conscience subito, en parcourant la décision de la CNIL, de la portée effective d'une assertion comme " la propriété intellectuelle est protégée " quand elle se trouve dans une charte ayant valeur constitutionnelle et ne listant autrement que des droits fondamentaux rattachés à la personne ? [6]

Dans l'Europe des 25, la protection de la propriété intellectuelle des entreprises passerait-elle avant la protection des droits fondamentaux des internautes, comme le droit à la protection des données personnelles, la présomption d'innocence ou les droits de la défense ? [7]

Ou peut-être assiste-t-on à un remake du black-out observé par le Conseil Constitutionnel l'année dernière, juste avant les élections européennes, alors que les internautes français attendaient une décision importante pour leur liberté d'expression, qui, d'ailleurs, une fois publiée, après qu'ils aient voté, révéla sa portée au grand jour ? [8]

A moins que la CNIL ne s'auto-censure par peur de se faire sermonner par le groupe Article 29 (G29), la CNIL des CNIL, l'autorité indépendante européenne ? Il est vrai que le G29 a rappellé il y a moins de trois mois que le balayage d'internet à grande échelle à des fins de détection de comportements délictuels présumés, et la collecte automatisée d'éléments permettant l'identification de suspects et de preuves relèvent, dans l'Union Européenne, de la compétence des autorités judiciaires. [9]

Or le SELL n'est pas une autorité judiciaire. Si ? Ou peut-être que la France ne fait plus partie de l'Union Européenne ? Ou bien la doctrine du G29 a récemment changé, tout comme celle de la CNIL, et personne ne le sait ?[10] Ou alors les avis du G29 sont purement décoratifs ?[11]


Quoiqu'il en soit, l'initiative EUCD.INFO demande la publication de la décision en question sur le site de la CNIL et, à l'issue de sa prochaine séance plénière (le 21 avril), de la délibération et du procès-verbal d'assemblée dans les conditions prévues à l'article 8 de son réglement intérieur. [12]

Si ces documents sont rendus publics rapidement, le G29, des associations, des juristes, des hommes politiques, des internautes pourront en effet réagir ou être interpellés avant le 29 mai. Et si débat il ya, les électeurs français disposeront peut être alors de nouveaux éléments de réflexion sur la valeur, la portée et les interprétations que l'on peut faire de la Charte des droits fondamentaux et de leur Constitution, ainsi que sur le fonctionnement et l'utilité réelle des institutions nationales et européenne chargées de protéger leurs droits et libertés.

Version PDF avec références : http://eucd.info/documents/pr-2005-04-19-fr.pdf