Mise à jour - 28 février 2008

Dans le cadre de la mise en oeuvre de la "riposte graduée", un avant-projet de loi propose de donner à une autorité administrative indépendante les mêmes moyens que ceux accordés à titre exceptionnel aux services de lutte contre le terrorisme.

Lire l'interview de Christophe Espern : "La loi Olivennes est un texte extrémiste"

Extrait :

Ce texte va beaucoup plus loin que l'EUCD. Il impose en creux aux internautes d'installer des dispositifs de filtrage listés par l'État ce que la directive n'exige pas. C'est même sans doute contraire au droit communautaire. Le texte prévoit de plus la création d'une structure administrative chargée de mener des campagnes d'intimidation et de répression de masse, en partenariat avec des sociétés privées. Ceci n'existe nulle part ailleurs en Europe. Une telle architecture a par contre déjà été proposée lors des débats parlementaires sur la DADVSI. Elle était différente sur la forme, a été vite retirée vu le tollé suscité, mais on est bien dans une suite logique d'un point de vue franco-français.

Ainsi, le texte prévoit que les agents de cette autorité administrative dite « indépendante » pourront accéder aux données de connexion sans contrôle de l'autorité judiciaire, c'est-à-dire dans des conditions réservées jusqu'à présent aux services luttant contre le terrorisme ! C'est du jamais vu. De plus, le texte prévoit que cette autorité pourra utiliser ces données à des fins répressives. Or, suite à une censure du Conseil Constitutionnel, les fonctionnaires luttant contre le terrorisme n'ont pas obtenu ce pouvoir. Il est exclusivement réservé à l'autorité judiciaire.


Depuis près de cinq ans, certaines sociétés privées font pression sur le gouvernement et les élus pour pouvoir se substituer à la police et à la justice sur internet. Depuis près de cinq ans, EUCD.INFO et d'autres tentent de s'opposer et d'informer sur cette dérive.

En octobre 2005, la CNIL, après avoir dérapé, a pris ses responsabilités en refusant de privatiser des missions régaliennes de l'État et ce conformément à la recommandation du groupe Article 29, la CNIL européenne, et malgré la modification de la loi Informatique et Libertés par la majorité en 2004 emmenée par le sénateur UMP Alex Turk, par ailleurs président de la CNIL.

En décembre 2005, un amendement de 7 pages - coeur d'un dispositif connu sous le nom de riposte graduée - déposé par le gouvernement au milieu de l'examen du projet de loi DADVSI, a soulevé un tollé sur les bancs de l'opposition puisque tentant de créer "une police privée de l'internet", comme l'a si bien nommée en séance François Bayrou. Le gouvernement a dû retirer son amendement, notamment suite au vote de la licence globale, votée par des députés PCF, PS, UMP, et Verts. La licence globale a par la suite été supprimée suite aux pressions exercées par le lobby des industries dites culturelles. Mais Le gouvernement n'a pas osé reproposer son amendement de 7 pages instaurant ce qu'il est convenu d'appeller les e-milices. Cela ne l'a pas empêché de faire passer d'autres parties de la riposte graduée, visant à pouvoir sanctionner automatiquement les téléchargeurs. Ces dispositions ont été par la suite censurée par le Conseil Constitutionnel.

Mais le 4 avril 2007, Nicolas Sarkozy a annoncé que si il était élu président de la République, il porterait un intérêt particulier à l'efficacité des mesures de protection et de répression, « en particulier pour évaluer les conséquences de la suppression par le Conseil constitutionnel du dispositif de riposte graduée ». Michel Rocard, auteur d'un rapport sur le numérique faisant des propositions à Ségolène Royal, s'est alors interrogé : «Ce qui amène à se poser avec intérêt la question pour savoir comment on fait pour poursuivre, identifier, et faire payer des amendes ou mettre en taule 2,5 millions de jeunes. C'est un problème technique intéressant pour un ministère de l'Intérieur et j'avoue que je contemplerai sa manière de traduire dans les faits ce qu'il vient de raconter avec un intérêt soutenu. Je m'apprête à rigoler beaucoup, car je ne vois pas cela tenable.»

C'est aussi un problème juridique intéressant. La chronologie qui suit retrace une partie des mouvements des uns et des autres sur ce dossier des e-milices, toujours d'actualité.

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